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LETTRES DE CHARLES-LOUIS PHILIPPE 683

LXVIII

29 avril.

Mon ami bien aimé, il faut me pardonner bien des choses parce que je suis malade et que les circonstances s'embrouillent autour de moi. Il y a bien du nouveau depuis que je t'ai écrit, mais je suis de ces pauvres bougres à qui le bonheur se compte ou tout au moins pour lesquels il y a des complications autour des plus simples espérances. Ma chère petite Marie et moi nous nous aimons, nous nous le sommes dit et il nous semble dans la vie que nous passer l'un de l'autre serait de la folie. Elle a dû partir à Lyon, voici déjà quatre semaines et, par une de ces chances dont j'ai le secret, aussitôt arrivée, voici qu'elle tombait si malade que pendant trois semaines elle ne pouvait pas m'écrire et que je n'avais d'elle que de vagues nouvelles que m'envoyait la bonne femme chez qui elle est, laquelle sait à peine écrire. J'ai connu toutes les misères de l'attente, ce piétinement sur place et ces douleurs terribles alors qu'on pleure d'avance ceux qu'on aime. Et depuis huit jours qu'on m'a écrit qu'elle allait mieux, je ne sais quels événements se passent qui me poussent en avant, qui l'empêchent de m'écrire et qui m'assomment au point que je ne sais plus penser. Je suis vieux, courbé de douleur et je n'ose regarder trop loin

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