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LETTRES DE CHARLES-LOUIS PHILIPPE 669

Mon roman s'avance. J'en suis tout-à-fait in- quiet parce que c'est un livre comme je n'en avais pas fait jusqu'à présent. Et puis il y a des chapi- tres qui sont tellement inférieurs à ce que j'ai senti ! Vraiment nous restons toujours en dessous de la Vie, nous nen montrons qu'une face, et nous la montrons mal. A ce sujet, je sens que je vais devenir, au point de vue du travail, un drôle de type. Parfois des amis ou des camarades vien- nent me voir. Eh bien ! on ne me fait pas plaisir quand on vient me voir. On m'arrache à mon tra- vail, on me dérange dans mes habitudes, il me semble qu'on m'arrache à moi-même. Parfois je sors. Je suis nerveux, mauvais, avec des injures plein la bouche.

Mon livre m'a fait recevoir de belles lettres, de ces choses spontanées qui devraient me rendre heureux. Je regarde ces pauvres feuilles de papier, je les replie et je me dis : "A quoi bon, la seule chose qu'il te faudrait, tu ne l'auras jamais. " Je crois que si un jour j'ai quelque argent j'essaierai de l'alcool.

Et pour finir cette description de ton vieil ami sur un ton moins noir, je veux te dire que j'aime beaucoup le travail. Si tu savais comme je m'y attache ! J'en mange tout le jour par avant-goût et le soir je m'y mets avec du feu dans la poitrine. C'est un petit coin, le seul petit coin qui me soit resté. Mais pense donc que je n'en recueille aucune

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