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aussi ; nous expirions de plénitude, nous ne pouvions plus contenir tant de forces amassées.

Qu'il faisait chaud, calme, accablant ! Tel un sommeil de tigre le silence de l'Espagne, au crépuscule, inquiète. Un groupe de lavandières se dirigeait, les bras chargés de hardes multicolores, vers les eaux douces du fleuve, là-bas, dans les herbages. Ah ! que n'ai-je pu l'entendre jaillir d'un de ces gosiers de filles farouches le chant forcené, intrépide, la séguedille, rythme du délire, vivace, rauque, intarissable, qui bondit comme au profond des montagnes une claire cascade bouillonnant entre des parois rocheuses ! Tout se taisait. Soumise à la puissante Destinée, je pleurais lentement comme durent pleurer dans la torture les corps maintenus dont les os sous la pression du fer se fendaient. Je ne bougeais pas ; où aller ? Il m'eût fallu fuir l'univers !

Alors, tandis que je souffrais ainsi, je compris vos secrets et vos larmes, vierges en deuil, vierges exaltées et percées de couteaux des fiévreux et ténébreux autels. Abandonnées aux soins de votre Epoux divin, mais sollicitées par toutes les ardeurs et les fureurs de l'Espagne, amantes séquestrées, qui, aux jours des processions, entre les œillets et les éventails, dans les rues de Grenade et de Séville voyez la beauté des hommes et leur incomparable frénésie, quel devient votre