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NOTES 641

" C'est le plus grand poète du Moyen-Age, disait-il. Mais voilà, le Moyen-Age ne pouvait aimer la vraie beauté. Il la désirait sans la connaître. Dommage que Dante ait ignoré les poètes grecs. Moi aussi, j'ai aimé les cathédrales. Mais je sais maintenant que le Parthénon en ruines est plus beau encore que les cathédrales les plus achevées, et leurs ruines seraient informes. C'est que, dans la perfection, il n'y a pas de mor- ceaux, et chaque partie contient la perfection de l'ensemble. On dit que Dante eut un moment l'intention d'écrire son poème en français... En tout cas, il eut le mérite de créer l'italien, qui serait la plus belle langue moderne, si le français n'existait pas. Les autres langues sont ridicules. Depuis l'antiquité, il n'y a qu'une langue, le français, qui ait été travaillée par de véri- tables écrivains, et qui soit devenue un monument comparable au grec ancien. Les Italiens ont eu aussi d'excellents écrivains, mais pas assez longtemps, et leur langue s'en ressent. Dante vit juste lorsqu'il constata qu'il manquait à l'Italie une cour, mais il se trompa, croyant que îa douce lumière de la raison (ce sont les termes qu'il employait) y remédierait et qu'une élite dispersée pourrait suppléer au défaut de cour. Il parait qu'il fut aussi sur le point de cultiver le provençal, et ce lan- gage était plus susceptible de perfection que l'italien. D'excel- lents poètes s'y étaient exercés avec raffinement. Leur influen- ce fut favorable au français lui-même. Je me suis amusé à traduire de petits poèmes provençaux, choisis entre les meil- leurs, et les bons ne manquent point. En italien, j'aime beau- coup Pétrarque.

" C'est un grand poète que l'on connaît mal en France. Pour Boccace, il manque une traduction ; celle d'Antoine Le Maçon a des qualités. Mais, à tout prendre, elle est insuffi- sante. Si j'étais plus jeune, je traduirais Boccace qui est peut- être le meilleur conteur du monde, et en tout cas un esprit charmant et plein d'une force admirable... "

S'il n'a point traduit le Décaméron, Moréas en a imité quel- ques contes. Et j'ai été tout surpris, en constatant que l'on n'avait généralement pas compris tout ce qu'il y a d'art dans ces libres imitations.

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