NOTES 625
Appliquées à la mélodie, cette simplification, ce tassement ont donné une déclamation lyrique d'une humanité admirable. — Le chant, chez Wagner, n'est jamais expressif par lui-même, mais seulement à force d'allusions ; il lui faut le renfort des thèmes dont sans cesse il est souligné. C'est qu'il n'est qu'une ligne continue et d'un tracé presque arbitraire ; ou du moins il est un certain mouvement général dont les péripéties n'ont d'autre raison que le développement de l'orchestre. — Dans Pelléas cette ligne perpétuelle s'est démembrée. Chaque phrase est descendue à n'être qu'elle-même ; elle s'est doucement détachée de la continuité abstraite où elle était prise ; elle s'est affaissée avec légèreté ; elle s'est résignée à soi. Elle ne vient plus à cause de ce qui la précède, mais seulement à cause d'elle-même. — Par cette soumission elle se rapproche de sa source véritable, le sentiment ; elle n'est plus au dessus de lui comme un arc qui ne le touche jamais en aucun point, mais elle naît de lui comme germe une eau à même la terre ; et elle prend avec timidité sa forme. C'est pourquoi elle devient si directement poignante. Il n'y a plus que des paroles et dont la liaison ne se fait que par les mouvements de l'âme. Comme en chaque accord se condensait le parfum de toute une chaîne d'harmonies, de même en chaque phrase l'expression de tout un passage mélodique. A chaque instant le mot le plus juste, le plus naïf, ce qu'il fallait dire et que voici maintenant irré- parable. Sans cesse une délivrance naturelle ; le cœur qui trouve ; un sentiment qui cède à la tentation de la musique et se révèle simplement parce qu'il est là, parce que le person- nage réprouve. Aussi, malgré l'absence de toute direction abstraite, jamais on n'est embarrassé pour suivre cette mélo- die ; on la suit comme on sent, sans davantage s'interroger.
Il faudra bientôt que la musique, comme les autres arts, cesse de vouloir n'exprimer que l'essentiel et rétablisse toutes les formes qu'elle a supprimées. Mais Pelléas est d'un certain idéal la réalisation trop parfaite pour craindre la réaction de l'avenir. Ne serait-il pas le \Tai chef-d'oeuvre du symbolisme ?
J. R.
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