Page:NRF 5.djvu/597

Cette page n’a pas encore été corrigée

LETTRES DE CHARLES-LOUIS PHILIPPE 59 1

mal, de ses ennuis, et j'étais plein de pitié. Elle me disait des mensonges aussi, et je comprenais que la vie des petites femmes à Paris est une chose dure puisqu'elle les oblige à mentir. Et je m'en suis retourné bien agité le long des rues fatigantes et je suis allé au musée du Luxembourg voir des choses.

Elle m'écrit des lettres maladroites et tendres. Son âme est délicate parce qu'elle est malade. Elle a des trouvailles charmantes : "Je termine en t'embrassant de tout mon petit cœur d'enfant malade. " Elle me raconte ses peines. Je suis le confident de cette pauvre enfant malheureuse et j'apprends des choses terribles.

Tout ceci m'a donné l'idée d'un roman où l'on verrait tout au long une jeune ouvrière devenir une prostituée. Je commence a amasser des docu- ments. Mais, mon Dieu ! que c'est long, et qu'il y a donc du travail ! Bouquins de sociologie, d'économie politique, de statistique, je vais com- pulser tout cela. Il faut que je connaisse les salaires de femmes. Bien mieux, mon héroïne sera fleuriste, et il va falloir que j'apprenne le travail de la fleur ! On me voit dans les rues m'arrêter aux étalages, examiner les fleurs pour voir comment c'est fait. On me voit devant les boutiques de modistes examiner les chapeaux. Il faut encore que je m'oc- cupe de la prostitution à Paris. J'irai dans les cafés de femmes, dans les bordels. Il faut que je fasse

�� �