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ISABELLE 51

blêmes qui vous intéressent... je suis sûr que je ne vous comprendrais pas.

Que pouvais-je répondre ? Du bout de ma canne je grattais le sable...

— Voyez-vous, reprit-il, ici nous avons un peu perdu le contact. Mais non, mais non, ne protestez donc pas ; c'est inutile. Le baron est sourd comme une calebasse ; mais il est si coquet qu'il tient surtout à ne pas le paraître ; il feint d'entendre plutôt que de faire hausser la voix. Pour moi, quant aux idées du jour, je me fais l'effet d'être tout aussi sourd que lui ; et du reste je ne m*en plains pas. Je ne fais même pas grand effort pour entendre. A fréquen- ter Massillon et Bossuet, j'ai fini par croire que les pro- blèmes qui les tourmentaient sont tout aussi beaux et importants que ceux qui passionnaient ma jeunesse... problèmes que ces grands esprits n'auraient pas pu com- prendre sans doute... non plus que moi je ne puis com- prendre ceux qui vous passionnent aujourd'hui... Alors, si vous le voulez bien, mon futur collègue, vous me parlerez de préférence de vos études, puisque ce sont les miennes également, et vous m'excuserez si je ne vous interroge pas sur les musiciens, les poètes, les orateurs que vous aimez, ni sur la forme de gouvernement que vous croyez la préférable.

Il regarda l'heure à un oignon attaché à un ruban noir :

— Rentrons à présent, dit-il en se levant. Je crois avoir perdu ma journée quand je ne suis pas au travail à dix heures.

Je lui offris mon bras qu'il accepta, et comme, à cause de lui, parfois, je ralentissais ma démarche :

— Pressons ! Pressons ! me disait-il. Les pensées sont

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