ISABELLE 433
profite de la confusion générale pour subtiliser l'enveloppe dans sa mitaine.
— J'ai voulu écraser une araignée, dit-elle gauche- ment comme un enfant qui s'excuse. (Elle appelle indiflFé- remment : araignées, les cloportes et les perce-oreilles qui s'échappent parfois de la corbeille de fruits.)
— Et je parie que vous l'avez manquée, dit Madame de Saint-Auréol : d'un ton aigre, en se levant et jetant sa serviette non pliée sur la table. Vous viendrez dans le salon me rejoindre, ma sœur. Ces Messieurs m'excuseront : j'ai ma crampe de nombril.
Le repas s'achève en silence. Monsieur Floche n'a rien vu. Monsieur de Saint-Auréol rien compris ; Mademoi- selle Verdure et l'abbé gardent les yeux fixés sur leur assiette ; si Casimir ne se mouchait pas, je crois qu'on le verrait pleurer...
H fait presque tiède. On a porté le café sur la petite terrasse que forme le perron du salon. Je suis seul à en prendre avec Mademoiselle Verdure et l'abbé ; du salon où sont enfermées ces deux dames, des éclats de voix nous parviennent; puis plus rien; ces dames sont montées.
C'est alors, s'il me souvient bien, qu'éclata la castille du hêtre-à-feuille-de-persil.
Mademoiselle Verdure et l'abbé vivaient en état de guerre. Les combats n'étaient pas bien sérieux et l'abbé ne faisait qu'en rire ; mais rien n'irritait tant Mademoi- selle que le ton persifleur ou supérieur qu'il prenait alors ; elle se découvrait à tous coups et l'abbé tirait dans le vif. Presqu'aucun jour ne passait sans qu'éclatât entre eux quelqu'vme de ces escarmouches que l'abbé nommait des
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