Page:NRF 5.djvu/408

Cette page n’a pas encore été corrigée

402 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Le matin, je n'ouvrais pas la fenêtre, sûr de trou- ver dans la campagne un brouillard vieux et sale ; la nuit, quand je me croyais plus fort, soudain le clair de lune tombait dans ma chambre, et mon ardeur alors se déprenait d'elle-même, comme le soldat qui, le voyant resplendir sur les bivouacs, brusquement, le cœur chaviré, se lève et devient déserteur.

Et maintenant, voici que l'allégresse est en moi tout entière ! Oh, il y a maintenant des choses qui me font rire ! je me lèverai, je rirai des yeux du chat qui s'ouvrent comme des bourgeons; j'écar- terai des deux mains les rideaux, je rirai du soleil quand il entrera chez moi comme on pousse le poing jusqu'au fond d'un coffre plein d'or. Je veux danser comme un roi nègre. Venez ! entre les buissons de phlox et les hémérocales, nous bondirons par-dessus les allées qui sont des grèves de chaleur ; puis quand viendra midi, dans le repos du vent et de l'ombre, dans le gouffre d'im- mobilité comme au centre d'un tourbillon, lorsque parmi tout le silence seul notre cœur bougera, plongé dans le sang comme un homme nu au milieu d'un fleuve, nous nous arrêterons, nous regarderons vers la barrière... regardez-la, la voici ! son visage luit derrière les feuilles comme une prune mûre ; elle va pousser la porte, mais d'abord elle glisse une main entre les lattes pour cueillir le plus beau dahlia.

�� �