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sans patine et sans âge. La lumière a des amours et des haines passionnées de femme italienne. Elle qui pose au Parthénon sur les brèches des colonnes le plus pénétrant baiser d’amour, elle dévoile ici de sa risée toute la laideur des pauvres briques. Et c’est pourquoi sans doute j’ai aimé le théâtre de Taormine dans ce gris d’une journée sans soleil, où ces briques exhalaient un doux rose de chair, où sur le gazon transsudant de marguerites rien d’en haut n’éteignait les millions de petits cœurs d’or. Le gris des calcaires marmoriformes qui font les gradins, du rocher brut qui les entoure, lui aussi se fond à cette clarté douce dans un concours fraternel. Il condense, semble-t-il, sous nos mains, cette brume délicate d’argent, comme le pentélique de l’Acropole ramasse dans sa chair un soleil solidifié.

L’éventrement et le débris de ce théâtre ne sont pas conduits par le temps, mûris et amenés d’un précieux destin vers une beauté d’outre-tombe. C’est lui faire un mauvais et trop juste compliment que de songer pour lui à une restauration.

Son horizon l’appelle à un office humain. Les décombres de brique attendent qu’on panse leurs blessures, restées fraîches dans les siècles, et nulle profusion décorative, nulle candeur d’architecte moderne ne m’offenserait, sous cette nature d’exubérance et de somptuosité, sur ce monument conçu