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TAORMINE 395

lui tous les ballets muets de la lumière et de l'eau. Mais je ne l'ai connu parfait que lorsque, sous un ciel de recueillement, les couleurs se tas- saient, se faisaient douces comme des béguines de Bruges, et que, par le trou béant de la scène, s'étalaient grises la mer et la presqu'île de Skiso, l'une d'argent lumineux, l'autre plus terne et plombée, et pareilles à l'eau et à la terre dans le Pauvre Pêcheur de Puvis : toutes deux par d'hos- pitalières mains comblant ce vide qu'à poings d'or eût élargi la méchante lumière, toutes deux unissant dans une tendresse monochrome les grises colonnes en débris, et sans fin les réparant d'un horizon inépuisé.

C'est que la beauté de la ruine dépend fort de sa matière. Elle est faite, à l'Acropole d'Athènes, de la maturité des marbres. Partout elle se rattache à la vie subtile, prolongée, harmonieuse, de la pierre qui réagit sous la durée selon sa loi géolo- gique. Mais la brique, à Taormine, ne paraît pas admettre la ruine : matière artificielle, produit des fours, boue cuite, elle ne chante pas plus sous la durée que sous la lumière. Les Romains l'entas- saient pour la stuquer comme les Chaldéens pour la vernisser, mais, sa surface tombée, avec ses petits lits réguliers, géométriques et pressés, sa couleur crue qui n'était point faite pour l'air libre ni la vue, elle prend une figure malheureuse d'écorché, elle fournit la ruine immédiate et nue,

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