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TAORMINE 393

de citrons, l'Etna sortait de la mer, de la nuit et de l'aube, rose fabuleusement sur ses légères neiges : il occupait l'horizon entier, cygne sur- gissant d'aurore, sous la gorge de qui se fendait, fraîche et moutonnante d'or épars, la campagne de verdure.

Toute beauté ici est débordante et publique ; la pente dévalante du terrain ne permet pas d'en- clore les jardins en des murs qui les déroberaient, et par les raides sentiers qui les entourent, chacun de nous comme leur maître en jouit. Ils prennent une face humaine, et, quand on les rencontre, n'épanouissent, comme des enfants, que le sourire fleuri de leurs dents et de leurs joues. Sur les haies de géraniums, de lavandes, s'élançaient les roses et les hauts iris. Mais les amandiers recou- vraient, prenaient et brassaient tout dans leur fouillis rose et blanc. Parfois des terrasses d'herbe verte ne portaient qu'eux, et, çà et là, quelques rares roses oubliées attestaient un ancien jardin qu'ils avaient conquis et qu'enfouissait leur neige. Leur profusion allégeait étonnamment le paysage, et donnait des milliers d'ailes aux couleurs robustes ou tendres.

Chœur de couleurs, saines et fières de vivre dans les yeux leur vie inépuisable ! Elles s'amon- cellent en la même gloire, en la même fougue lyrique que les lignes renversées et ruisselantes de la terre qui tombe. Théâtre roux, noir du sol

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