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d'après trois estampes 377

haute épée et pour qui tu traças deux globes ad- mirables.

Ils venaient à toi ! Et toi, au milieu des dunes, tu vivais dans un vieux taudis oîi les araignées filaient leur toile fine, où les rats grignotaient les livres, où la lampe fumeuse éclairait à peine le tableau représentant le Sagittaire et le Taureau, le Lion et le Bélier, la Vierge et les Gémeaux tour- nant, tels qu'en ronde, dans un beau Zodiaque. Muets d'étonnement et saisis de respect, les princes et les rois, qui allaient au combat ou reve- naient des guerres, s'arrêtaient au seuil de ta porte; avec eux entraient le bruit des meutes, des cavaliers parés de satin et bardés d'acier, des étendards qui battaient au vent, des femmes toutes rieuses, nues et énamourées, qu'emportaient les vainqueurs ; mais toi, le regard fixe, le front hautain sous ton chapeau pointu à la chinoise, tel un vieil astrologue, tu continuais, ferme et tran- quille, à dessiner du crayon, à mesurer du compas, à peindre du pinceau. Ainsi qu'un potier façonne un vase aux belles courbes et au jet hardi, appli- qué, sérieux et perdu dans ton rêve, tu façonnais la planète.

Maintenant te voici fixé dans une estampe. Je te vois comme l'un de ces savants ou de ces sages de Durer, entouré de livres, de balances, d'un sablier et d'une horloge ; dans tes mains fiévreuses et créatrices tu portes un grand giobe de la terre.

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