Page:NRF 5.djvu/370

Cette page n’a pas encore été corrigée

364 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

XLVI

12 août 98

Mon ami bien aimé, mon existence est si vide, Tété est si chaud et je sens mon cœur si sec que je reste de longues semaines sans faire un seul geste d'amitié à ceux qui me sont chers. Je suis resté cinq semaines sans écrire à mes parents et trois semaines sans t'écrire. J'ai des moments d'aridité profonde où je ne puis que raisonner, avoir la fièvre et souffrir...

Aujourd'hui, c'est un des jours de crise. La raison en est assez simple et vient d'un lapin qui m'a été posé hier soir. Imagine-toi que, le lendemain du 14 juillet, je rencontrais la plus exquise petite créature du monde, très bonne, très intelligente, très douce et très corrompue. Pour trois fois que je l'ai vue il y a tout au fond de moi-même une grande tendresse. J'aurais tant voulu lui faire du bien, l'éclairer, lui apprendre des choses de la vie qu'elle ne connaîtra jamais sans moi. Parce qu'elle est fleuriste elle a une petite finesse de fleur, mais parce qu'elle est parisienne elle est un peu pourrie. Je l'aurais guidée, je lui aurais appris la bonté, je lui aurais montré la souffrance humaine, et les belles choses de la nature. Il faut bien peu de temps à un homme pour élever une femme. Et

�� �