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34^ LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

souiFre parce que je ne le suis pas. Cette solitude de Paris est épouvantable. A la campagne on peut aimer des arbres, des horizons, des animaux pour combler son besoin d'amour. Mais à Paris, c'est bien difficile. J'ai pourtant de l'affection pour quatre platanes du quai de l'Hôtel-de- Ville, mais il y a Paris tout autour qui m'empêche d'être à eux, de les toucher, d'aller dans leurs branches. Il y avait aussi les quais de l'Ile Saint-Louis, mais pendant l'été on recouvre la Seine d' " écoles de natation " et je ne puis voir la belle courbe de l'eau et les mouvements précis des bateaux. C'est bien pénible, je t'assure. Surtout, il me faudrait le soir une femme qui m'aime un peu et que je pourrais caresser, mais je suis chaque jour plus seul. Le plus terrible, c'est que toutes les joies que je tirais de moi-même s'évanouissent l'une après l'autre. Autrefois j'étais heureux de penser à l'avenir, de me promener sur tels quais, de lire telle chose, et aujourd'hui cela ne me suffit plus. Ces plaisirs sont épuisés. Il me faudrait une famille : une femme, un enfant. J'aurai bientôt vingt-quatre ans : c'est le moment de songer à ces bonheurs. Si je gagnais assez, je me marierais. Il y a des moments où la vue d'une jeune femme au bras d'un homme me fait du mal comme un coup de couteau. Mon énergie est partie. Je ne puis plus rester seul. Depuis mon retour à Paris je n'ai rien fait, pas même lu. Ma seule consolation est

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