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3l6 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

allusions dont sont faites les mélodies occidentales. La phrase est sans accident : elle est éclairée d'un jour uniforme; elle propose sans préférence toutes ses parties ; elle précipite avec égalité ses syllabes. Chouisky ' raconte le carnage où le tsarévitch, a trouvé la mort. Oh ! diaphane litanie ! Rien •qu'une ligne pure, rien que les faits terribles énoncés les uns après les autres. La voix monotone pleure sa peine ; elle dit l'histoire, anxieuse et nue. On n'entend que sa parole plaintive, qui va, distincte, sans le soutien d'aucun accord étouffé, d'aucun assourdissement harmonique. Elle chante, soUtaire, tin amour infini.

L'harmonie jamais n'enveloppe la mélodie, ne l'étouffé ; car, pareille à la buée lumineuse qui borde les corps diaphanes, elle n'est que le rayonnement de sa transparence. Elle l'accom- pagne comme les rives du ciel la candeur des nuages. Elle •est un mélodieux retentissement, elle résonne aussi clair que Àe vent à travers le jour. Elle n'approfondit que la limpidité.

��Cette musique est toute en acte, tout avouée. En aucune partie d'elle-même il n'y a de lenteur ni de crépuscule. Elle ignore les sentiments lourds et éteints. Elle peut bien souffrir, mais non pas être triste. Elle a une bonne conscience. Comment la douleur empêcherait-elle sa joie ? Elle a une sorte de gaîté qui est l'activité même de son cœur. Elle s'éveille, elle sourit, elle est comme un enfant qui parle avec tous les mots. Oh ! nouveauté de l'âme ! Rien n'endort la chère allégresse de •cette émerveillée. Une petite flamme naïve, une tendre vivacité jusque dans la détresse. Elle est surprise, elle est ravie. Elle se tourne vers toutes choses. Elle joue ; elle invente de ■courtes histoires précipitées. Elle est affairée comme la joie, elle " a le temps mais juste. " ' Puis elle s'arrête tout-à-coup, occupée par l'importance d'une question qu'elle brûle de poser.

1 Borïs Godounoff. Acte II, p. 125.

  • La Chambre d'enfants. A cheval sur un bâton.

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