Page:NRF 5.djvu/320

Cette page n’a pas encore été corrigée

3H

��NOTES

��MOUSSORGSKI. — (A propos des Concerts donnés par M""* Marie Olénine à la Salle des Agriculteurs).

Sitôt que le prélude de Boris Godounqff élève son chant pauvre, suppliant et décidé, on ne peut plus être fier ni content de soi. Voici l'exigence la plus naïve, la voix de la faim et de la soif. Je suis tiré hors de moi-même ; tout ce qu'il y a de serré en moi se délie. Je sens soudain naturelle la pitié ; elle déborde de mon coeur sans effort et sans honte. Elle me délivre comme les larmes. Le rideau levé, c'est toute la sainte Russie qui chante avec ses cloches et ses prières. Elle m'im- plore, elle est à genoux, elle tend les bras ; elle me prend à témoin ; elle m'adresse le chœur de ses paroles mendiantes. Oh ! comme j'entends sa plainte, comme me saisit sa demande !

• e •

La mélodie de Moussorgski, c'est le récit de l'humilité. L'humilité, — non pas un sentiment négatif, la contrainte de l'orgueil, — mais elle est là, animée, respirante, avec une chère figure timide et hardie. Elle est pressante, avide, elle se penche comme une femme qui avance un peu ses deux mains ouvertes et murmure pitié. Elle parle, elle prie. Elle est offen- sive. Tout de suite la mélodie s'élance ; tout de suite elle entame son candide discours. Elle est prompte comme ces mots sans calcul qu'arrache le besoin. Elle commence vive et pure ainsi que l'enfant qui fait quelques pas rapides et joint les mains. Elle jaillit, elle s'échappe, elle lâche son chant grêle et urgent ; déjà souffle sa douce haleine hâtive. — Si soudaine, elle naît qu'elle semble surprise. Elle est une phrase que l'on

�� �