290 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
— Laisse-moi me mettre à ta place pour que je signe. Il se leva puis, quand j'eus signé le billet, sauta de joie
et couvrit ma main de baisers. J'allais partir ; il me retint par la manche et, penché sur le secrétaire :
— Je vais vous montrer quelque chose, dit-il en faisant jouer un ressort et glisser un tiroir dont il connaissait le secret ; puis, ayant fouillé parmi des rubans et des quit- tances, il me tendit une fragile miniature encadrée :
— Regardez.
Je m'approchai de la fenêtre.
Quel est ce conte où le héros tombe amoureux du seul portrait de la princesse ? Ce devait être ce portrait là. Je n'entends rien à la peinture et me soucie peu du métier ; sans doute un connaisseur eût-il jugé cette miniature afFétée ; sous trop de complaisante grâce s'effaçait pres- que le caractère : mais cette pure grâce était telle qu'on ne la pût oublier.
Peu m'importaient vous dis-je les qualités ou les défauts de la peinture : la jeune femme que j'avais devant moi et dont je ne voyais que le profil, une tempe à demi cachée par une lourde boucle noire, un œil languide et tristement rêveur, la bouche entr'ouverte et comme soupirante, le col fragile autant qu'une tige de fleur, cette femme était de la plus troublante, de la plus angé- lique beauté. A la contempler j'avais perdu conscience du lieu, de l'heure ; Casimir qui d'abord s'était éloigné, achevant d'apprêter les fleurs, revint à moi, se pencha :
— C'est maman... Elle est bien jolie n'est-ce pas ! J'étais gêné devant l'enfant de trouver sa mère si belle.
— Où est-elle à présent, ta maman ?
— Je ne sais pas.
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