Page:NRF 5.djvu/267

Cette page n’a pas encore été corrigée

WILLIAM ERNEST HENLEY 26 1

forment le fonds de la critique littéraire, ont plus de prestige que les sentiments et les sensations qui sont l'essence de la poésie lyrique. C'est affaire de tempérament, et il n'est pas donné à tout le monde de sentir la poésie : aucune éducation n'y peut rien.

On remarque dès l'abord que W.E. Henley ne craint pas de parler à la première personne du singulier dans ses essais. Ce n'est pas qu'il pense que son opinion personnelle puisse, a priori, intéresser le lecteur ; mais il tient à indiquer que c'est l'opinion d'un individu déterminé, et, puis- qu'il est poète, d'un artiste. Par là il se sépare de la critique courante, qui accable son auditoire de toute la puissance anonyme de son " nous " de modestie, ou qui le maintient sous la férule dog- matique de " on ". En face du critique ordinaire, dépourvu de tout instinct artistique, et qui est, au mieux un amateur savant, au pire un philistin, Henley, l'homme du métier, l'artiste lui-même, se dresse. Et les lecteurs ont à choisir, à leurs risques et périls, entre le cuistre et lui.

Du reste, dans ce peu qu'il a jugé digne d'être offert à la postérité, W.E. Henley ne s'est pas du tout soucié du grand public, du " gênerai " dont il parle avec dédain. Il ne s'adresse qu'aux lettrés purs, c'est-à-dire aux personnes qui ont fait dans leur vie une bonne place aux bons livres. Il semble rebuter à plaisir les indoctes, parlant des

�� �