l'exemple de racine 187
A une époque de culture, Racine naît pour ainsi dire déjà cultivé. Une connaissance approfondie des littératures grecque et latine, la pratique cou- rante de la prose et du vers français, fort commune en son temps et même dans sa famille milonaise : autant de moyens hérités ou acquis dont il use alors aisément. Clarté, propreté, ordre, correction, ce sont là qualités, mais plutôt négatives chez un jeune homme, négatrices du moins d'une abon- dance excessive de dons verbaux, et non particu- lières à lui, mais à son siècle... Une certaine sécheresse aussi ; la tient-il de nature ou de ces messieurs de Port-Royal ? en ce cas ce serait bien la seule influence janséniste qu'il eût subie 1 — mais non, si artificielle, il s'en serait débarrassé un jour ! Or il use déjà, il usera jusqu'à la fin, d'un vocabulaire restreint, fort pauvre en somme ; ce qui l'entraînera, dans ses meilleurs ouvrages, à de fréquentes répétitions de mots. La serpe de Boileau n'eut rien à émonder, quoi qu'on en dise : rien ne dénote à ses débuts, rien ne confirme dans la suite, fût-ce en un éclair passager, ni le bouillonnement d'images qui tourmentait un d'Aubigné, ni l'im- pulsion grandiloquente d'un Corneille, ni l'aisance si variée d'un La Fontaine, ni la verve drue d'un Molière, — je n'excepte point les Plaideurs. Racine porte en lui quelque chose de moins puissant mais de plus rare, et ses premières poésies, par quelques vers de paysage doux, fins et frais, le révèlent à
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