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l82 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

ne prépare cette chrétienne conclusion, ni aucune des tragédies ne sort de Port-Royal et n'y re- tourne : dans l'œuvre de Racine, aucun rameau, aucun germe chrétien.

Je dirai plus : aucun germe moraU aucune pro- pulsion idéaliste. Amoral, dit Masson-Forestier. Païen, dit Péguy. Oui ! païen qui ne reconnaît pas ses dieux ! Chez Racine, la morale s'appelle "bien- séance " et ses héros, quand ils se sacrifient — oh ! rarement... — ce n'est jamais qu'à leur amour, qu'à leur puissance, qu'à une raison matérielle, raison des sens ou bien raison d'Etat ; je n'en excepte à peine ç\\i Andromacjue : mais autour d'elle, quelle solitude glacée ! On s'explique com- ment la légende de Louis Racine a été accueillie avec tant de faveur. Retirez à l'œuvre racinien sa prétendue signification chrétienne, il perd d'un coup toute signification. Et cela, comment l'ad- mettre en un siècle où chaque écrivain, ou prêche, ou moralise, ou, pour le moins, conclut . Corneille ennoblit, il exalte, et il promulgue un code de l'honneur. Molière entreprend d'améliorer l'homme social. La Fontaine lui fait la leçon. Et La Rochefoucault ! et La Bruyère ! Je ne parle pas de ceux dont c'est la fonction de prêcher. Et le dix-huitième siècle approche, où la littérature tout entière va se mettre bénévolement au service de la pensée. Racine lui, n'a prêché qu'une fois, en finissant.

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