Il y a plus. À constamment coudoyer les auteurs du Boulevard, à cultiver par calcul, par faiblesse, amusement, ou simplement tendresse de cœur, leurs faciles camaraderies, on acquiert un sentiment presque angoissé des contingences qui les régissent. Et cela peut, en maintes rencontres, paralyser le jugement ou l’intimider. En écoutant la pièce on pense au dramaturge, à sa bonne volonté qu’il exprime d’une manière touchante dans la conversation, à l’excellence de ses intentions qu’il vous confiait naguère, à ses espoirs, à ses contrariétés, à ses besoins. En écrivant l’article on n’oubliera pas que la vie parisienne est pleine d’exigences, la carrière d’un homme de lettres périlleuse, que c’est chose difficile, en somme, d’écrire une comédie, chose encore plus ardue de la lancer. Et si l’on ne contrefait pas sa pensée, on la gonfle un peu, ou bien on la conduit par tels détours qui l’écarteront des points délicats. Au lieu de requérir pour la beauté, on apologise en faveur d’un gentil garçon. Et je ne puis dire qu’il soit très choquant de voir l’éloge se presser, le ton se hausser naturellement dans le style d’un critique quand il s’agit de fixer l’attention du public sur certains hommes qui sont de son milieu et de sa génération. Il s’est embarqué avec eux, partageant leurs rêves ; il a connu leurs meilleures promesses, assisté à la genèse de leurs ouvrages qui sont un peu les siens, souffert de leurs dé-
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LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE