148 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
n*aura guère duré. Derlon revient. Demain au plus tard, il sera de retour ici. " Et les yeux étincelants : " Vous voilà tout ébahi, n'est-ce pas ? j'en sais qui le seront bien davantage... "
De saisissement, le vieillard demeura bouche bée : " Comment ! il revient ? Que m'avait-on conté hier ? Et, trop occupé de sa déconvenue pour songer à s'étonner d'une nouvelle si imprévue : " Morbleu ! madame, ajouta-t-il ingénument, vous auriez pu me prévenir plus tôt... "
Il en eût dit davantage, mais le regard d'Isabelle l'arrêta court. D'un air bougon, il détourna la tête et sans chercher à dissimuler son humeur, ne desserra plus les dents. A quelques pas de là, au surplus, il fit halte tout à coup : " Vous marchez un peu vite à mon gré, maronna-t-il, permettez que je vous laisse. D'ailleurs j'ai affaire en ville. " Et l'ayant saluée, il tourna les talons délibérément.
Sitôt qu'elle se fut engagée sous les ombrages du Parc, Isabelle comprit que la déception n'avait pas été seule à commander au militaire une retraite si précipitée. A l'entrée d'une allée, Honorine se tenait assise, une tapisserie sur les genoux, à côté de Daquin qui, à demi- étendu dans un fauteuil, la couvrait en silence d'un regard immobile et désolé. L'Ombrageuse n'avait plus apperçu le jeune homme depuis quelques jours : son abattement, sa faiblesse la saisirent, cet air aussi de morne résignation sous le poids funeste qui peu à peu l'inclinait. Mais à un mouvement que fit Raymond, la Colonelle releva la tête: de peur d'être découverte, Isabelle alors rebroussa chemin.
Sous les feuillages légers qu'un tendre soleil pénétrait,
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