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l'ombrageuse 147

" Au fait, reprit-il, je ne regrette rien. Qu'aurais-je pu vous dire ? Aujourd'hui, au contraire, les circonstances ont changé, et rien n'est plus pour m'arrêter. Aussi bien, Madame, s'il faut l'avouer, voilà près de deux jours que je ne cesse de vous chercher en tous lieux. Mais au moment précis où j'avais le plus grand besoin de vous voir, vous avez disparu. A trois reprises au moins, je suis allé jusqu'à votre porte ; la crainte d'être indiscret ou importun m'a chaque fois empêché de frapper.. "

Etonnée du sérieux avec lequel elles étaient pronon- cées, plus encore que des paroles du Colonel, Isabelle, à nouveau, le considéra. Pour la première fois, elle remar- qua l'agitation dont il paraissait tourmenté. Rouge et fébrile, il n'osait la regarder en face, et parlait par saccades, tout en frottant du bout des doigts le pommeau d'or de sa canne.

" Quel besoin impérieux et subit aviez-vous donc de me voir, demanda-t-elle, et pourquoi à ce moment-ci tout juste r "

Vivement il redressa la tête : " Eh, Madame, me suis- je si mal fait entendre ? Depuis deux jours n'êtes-vous pas seule et libre, ajouta-t-il en baissant la voix. Si vous ne convenez pas qu'il y a là de quoi justifier mon em- pressement et mon impatience, c'est que vous êtes résolue à ne faire aucun cas des sentiments d'un homme qui eût été heureux de se mettre à votre disposition dès l'instant qu'il apprit que l'occasion lui en était enfin offerte."

L'Ombrageuse, pour le coup en savait assez. " En vérité. Colonel, fit-elle gaîment, vous êtes bien bon et je vous sais gré d^un intérêt si flatteur. N'allez point cepen- dant vous monter la tête hors de propos : ma liberté

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