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l'ombrageuse 137

Non, je ne m'étais pas trompée ! Allons, dites-le de votre bouche, croyez-vous que je n'aie pas mérité de l'entendre?" Et d'un air de supplication passionnée, elle tendit les mains vers lui.

Latour s'était levé. Il la considérait en silence. Brus- quement, il l'attira près de lui, et, tandis qu'elle baissait les paupières, il tint un instant son visage serré contre le sien, sans mot dire.

Mais elle se redressait. Trop longtemps il lui avait fallu se contenir et se taire ; il lui tardait à présent de répandre la ferveur dont elle était emplie. Doucement, elle repoussa Philippe. " Quand je pense, poursuivit-elle, qu'à certains moments je ne savais plus si je vous aimais ou si je vous haïssais ! Tantôt encore, en entrant chez vous, tout n'était en moi que rancune et fureur. Qu'y venais-je faire cepen- dant, sinon vous assurer — ah ! malgré moi et à mon insu — que même après ce qui s'était passé, j'étais tou- jours prête à vous suivre. Mais comment aurais-je pu parler ? Sitôt que je me trouvais devant vous, une sorte de démon m'occupait. Votre vue seule me jetait hors de moi. Il n'y avait plus place en mon cœur, en ma volonté, que pour l'éclat, le scandale, les pires sottises, comme à ce déjeûner, aux Sources, où j'ai lancé une fleur au visage de ce petit lieutenant. Pour vous outrager, vous éprouver peut-être, ou simplement attirer votre attention ? Quand vous êtes venu me rejoindre dans le jardin, avec quelle soumission je me suis inclinée sous vos reproches. Quoi que vous m'eussiez commandé, je l'aurais fait ; j'aurais obéi joyeusement ! C'est le lendemain de cette scène que j'ai vu clair en moi. En entendant Paulette parler de vous avec admiration, je me suis soudain éprouvée jalouse. Ne

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