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l'ombrageuse 127

" Tout cela est fort bon," interrompit un gros homme épais qui, depuis l'arrivée de l'Ombrageuse, n'avait pas cessé de la couver des yeux. " M'est avis toutefois que nous ne lui rendons pas justice. Qu'importe que ce fût un poseur ou un tricheur ? N'est-ce pas à lui, à tout prendre, que nous devons le plaisir de voir parmi nous deux femmes charmantes qu'autrefois nous n'admirions que de loin ?... " A sa question, un murmure d'assenti- ment répondit parmi les jeunes gens qui s'assuraient à mesure que la conversation retrouvait son niveau normal...

    • Vous voyez, poursuivit le bonhomme, nous voilà tous

d'accord ! je m'en doutais un peu... En vérité, au lieu de lui tomber dessus, nous devrions lui être reconnaissants. " Et, en souriant il leva son verre, comme pour un toast.

Mais l'Ombrageuse, tout à coup, s'était dressée. Muette et contractée, un instant elle dévisagea les jeunes gens, et l*insulte semblait près de jaillir de ses lèvres. Boboli, cependant, l'avait prise par le bras : " Allons-nous-en ! supplia-t-elle, viens, ne restons plus ici. "

A sa vive surprise, Isabelle céda aussitôt. Une ombre opaque couvrait ses traits. " Ah ! les pleutres ! répétait- elle en s'éloignant, les pleutres ! les as-tu entendus ? Trop bas, trop sots pour l'attaquer même en son absence !... "

Plus que sa violence, le trouble de son amie boulever- sait Boboli. " Ah ! je le savais bien, soupira-t-elle. C'est toi qui l'as voulu... Mais en voilà assez. Rentrons, rentrons maintenant... "

Isabelle s'était déjà ressaisie. D'un mouvement brusque, elle se dégagea du bras de Boboli toujours posé sur le sien. " Rentre seule si cela te plaît. Pour moi, il m'en reste encore à entendre. Au Casino maintenant ! "

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