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l'ombrageuse 117

chaleur secrète cependant, se glissant sous ses traits, éclai- rait peu à peu son visage. Brusquement : ** Je n'en crois rien ! s'écria-t-elle en se dressant, c'est absurde ! " Et du ton le plus dur : " Qui te l'a dit d'abord ? "

" Qui me l'a dit ? Mais Chariot, ce jeune homme avec qui nous avons soupe hier... Moi aussi, je ne voulais pas y croire : ensuite, j'ai rencontré le Colonel et il nous a tout raconté. Latour jouait au Casino avec quelqu'un que nous ne connaissons pas. Tout d'un coup, ce monsieur s'est levé en disant bien haut qu'il n'entendait pas être dupe plus longtemps. Du monde, au bruit, est accouru, et on a vu, alors, qu'à la place que Latour venait de quitter, il y avait un paquet de cartes préparées. Latour n'a pas dit un mot : qu'aurait-il pu dire ? Il est sorti. Le Colonel l'a suivi. Il aurait voulu l'aborder, lui parler : le courage lui a manqué : il pleurait presque en me l'avouant. Le pauvre homme était atterré, je ne l'étais p.-^s moins... " Et hochant la tête : " Aussi, ajouta-t-elle, qui aurait prévu une chose si afireuse ! " Mais soudain, elle s'interrompit, stupéfaite, indignée bientôt, de l'accès d'hilarité dont Isabelle venait d'être prise. " Se peut-il que tu en ries, lui jeta-t-elle, ah ! tu n'as pas de cœur !... "

Isabelle, à l'instant, s'arrêta. "Va, laisse-moi rire, petite. Tu ne feras pas que je ne trouve ça grotesque et vraiment réussi... Comment, il trichait et il s'est fait prendre, l'im- bécile ! mais c'est bouffon, ne le vois-tu pas ? " Et tandis qu'une gaîté cruelle agitait son visage: ** Ma parole ! vous aviez de jolies connaissances ! Tous mes compliments, ma chère ! Et tu voudrais m'interdire de rire... C'est trop demander... Car enfin, il n'y a pas à le nier : l'homme qui se conduit de la sorte n'est qu'un piètre personnage,

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