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9<D LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

l'or ; c'était une de ses haines de pauvre. Mais il musela ses convictions, quitte à se dédommager plus tard.

La famille Trottmann vint visiter Longval. Il y avait là le père, la mère, trois enfants, la grand-mère et une tante, qui traits pour traits se ressemblaient entre eux. Ils me rappelèrent invinciblement certaine tribu de kal- moucks représentée dans un recueil du Magasin- Pittoresque que je connaissais par cœur pour l'avoir, tout enfant, mille fois feuilleté. Mais qu'ils étaient, par ailleurs, différents de la plupart des clients du cousin Becquet ! Respectueux, humbles, gênés, c'est à peine s'ils osaient franchir le seuil des appartements, et ils admiraient tout de parti pris. Ils se déclarèrent, séance tenante, prêts à louer, comme d'autres eussent sollicité une faveur.

Mais, après leur départ, les Becquet, mari et femme, s'en payèrent de les ridiculiser et approuvèrent hautement Marguerite, " d'avoir donné une fameuse leçon à ces sales youpins". Marguerite n'avait rien dit de ses intentions, car depuis longtemps déjà elle se repliait sur elle-même, dissimulait sa pensée, s'isolait dans les exercices d'une piété croissante, mais elle s'était enfermée à clé dans son oratoire, bien résolue à ne point le laisser profaner par des infidèles. Le moment venu pour les visiteurs de pénétrer dans cette pièce, rien n'avait pu la décider à ouvrir, ni à répondre ; et M. Becquet, malgré la con- fusion des Trottmann, qui ne demandaient qu'à passer outre, avait insisté tant et plus, afin de convertir l'incident en un petit scandale.

Ce soir-là, Marguerite annonça à maman sa résolution définitive d'entrer au couvent. Sa vocation datait de loin ;

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