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74 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

ses reproches. Sinon, pourquoi mon père baissait-il la tête comme un coupable, au lieu de réclamer contre l'injustice ? Cela, plus que tout, me faisait mal.

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��Je me demandais :

" Retournera- t-il au Colombier ? Tiendra-t-il compte de la leçon qu'il a reçue î "

Et, comme il ne bougeait pas de Longval, je lui en voulais un peu de sa pusillanimité. J'attendais de lui plus d'indépendance. Il me semblait qu'en abandonnant un ami presque mourant après s'être réconcilié avec lui, il commettait une vilaine action. Aux anciens torts dont il s'était lui-même accusé, il en ajoutait un plus grave. N'avait-il donc pas, comme son frère l'avait dit, le cou- rage de ses opinions, lui qui pourtant, dans son démêlé avec M. Davèzieux, avait, pour un médiocre objet, tenu tête aux orages ? N'avait-il donc agi, en tendant la main à M. Tourneur, que sous une impulsion mesquine ? Je ne pouvais douter de sa sincérité, moi, témoin de ses larmes à la cure, et qui l'avais vu courir au Colom- bier sans balancer, dès la nouvelle du malheur. Sans doute, mon oncle Hippolyte lui avait rappelé le crime dont M. Tourneur s'était rendu coupable. Mais qu'importait ? Est-ce que l'on ne pardonne pas tout à un ami ? Est-ce que moi, par exemple, je n'aurais pas oublié la défection, les invectives, les pierres même, si Prosper s'y était prêté ? Et puis ce crime sur l'importance et la prescription duquel tout le monde n'était pas d'accord, je ne croyais guère à son authenticité.

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