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vive pourtant. Souvent une touche brille au cœur du tableau. Mais l’ensemble est si contenu que d’abord on ne la voit pas. C’est comme une luciole dans le feuillage. Puis soudain, voici qu’elle veillait.

En même temps qu’il atténue sa couleur, mettant je ne sais quel suspens à sa floraison, Gauguin la répartit avec soin sur la toile. De tous les tons éparpillés en multiples flocons à la surface de l’objet qu’il copie, il opère le discernement ; puis il condense chacun. Leur diversité confondue se rassemble peu à peu en larges taches, dont chacune représente, réuni, un des aspects épars du modèle. C’est le contraire du procédé impressionniste. Dans le contour d’un arbre les feuillages se distribuent en quelques masses colorées qui se juxtaposent sagement. On sent une volupté de la couleur à s’arranger ainsi à l’intérieur des objets, à se disposer suivant leur forme. Sur la déclivité du terrain, ce rose pourtant ne dépasse pas sa limite ; il s’arrête en un remous frangé.

Mais les tons dont les objets se laissent envahir ne leur sont pas étrangers. Ce n’est pas un accord préconçu de nuances qui s’impose au tableau et remplace les teintes naturelles. Gauguin use seulement de son pouvoir sur les choses; il leur persuade de se laisser détourner légèrement de ce qu’elles sont. Il appelle leurs tons du sein du désordre; il les tente avec subtilité, il les invite à