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PAUL GAUGUIN 739

accord. Tout s'organise comme sous une insaisis- sable incantation. Ainsi naît un Paradis tempéré. La sagesse le parcourt, unit toutes ses parties, chante ainsi qu'un oiseau dans ses arbres, et imite tendrement sur les roses rivages les hautes vagues, courbes et calmes, de son océan de tulle bleu.

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��C'est dans le dessin d'abord que je démêle cet enchantement de la modération.

Parmi les tableaux de Gauguin la forme humaine s'élève pleine et droite. Le plus souvent elle est debout, dans l'attitude des végétaux et des êtres qu'inspire la nature. Cette verticalité n'est pas, comme chez Cézanne, imposée par la pesanteur, par l'appel du sol. Elle est le jet de la sève terrestre qui grandit sans détour. Un élan ingénu dresse doucement les corps.

Mais ils ne bondissent pas ; ils sont sans exubé- rance. Ils jaillissent sans hâte. Aucune rondeur : les courbes des hanches et des épaules s'atténuent en droites ; sinon elles pourraient, comme des ressorts ployés, suggérer la détente, projeter le corps au-delà de lui-même. — La forme ne monte qu'afin d'occuper sa place ; elle s'arrête aussitôt qu'elle y est parvenue, plus rien en elle ne tend à se prolonger. Il semble qu'elle mette de l'amour à s'enfermer en elle-même. Elle s'incurve légère-

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