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66 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

sont toujours prêtes à prendre ombrage. On ne lui reconnaît, parmi les grands seigneurs, que la liberté surveillée d'un affranchi. Peut-il parler en son propre nom ? Un grand lyrisme personnel tiendrait de l'indécence.

S'il osa des cris d'un si déchirant accent, c'est que, par sa misère même, un Villon échappait aux lisières de son siècle. Lois et usages n'atteignaient pas jusqu'à son bouge. Chez son oncle le chapelain de St. Benoît, la vie lui aurait paru si conforta- blement réglée par Dieu, et à la cour de Blois, si parfaite en son extrême courtoisie ; y parler un langage violent eût été sacrilège ou grossier. Il a fallu la prison de Meung, le Châtelet, les grâces et les rémissions obtenues contre tout espoir, pour que comprenant la vie comme un jeu inique et sans règles, il nous ait donné son chant à plein sanglot, d'une seule haleine. Le secret de tant de hardiesse, c'est une vie sans guides et sans cesse risquée.

Il s'élabore, depuis cent ans, une nouvelle éthique de l'artiste. Celui-ci bénéficie du désarroi religieux et économique. On ne travaille plus pour l'autre vie et à peine sait-on si l'on pourra édifier dans celle-ci quelque œuvre que n'atteindront pas les cataclysmes. Dans son besoin d'absolu, c'est sans doute pour l'art qu'aujourd'hui parierait Pascal. D'ailleurs si ce pouvoir, théorique d'abord, peu à

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