680 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
On allait s'y asseoir quelquefois pour attendre la messe, mais je n'ai jamais vu personne y rien acheter.
Tout de suite elle s'est auprès de Dieu réfugiée : C'est ici un éloge et un reproche. La foi la plus inquiétante n'est pas celle qui triompha sans combat. Si le poète m'emmène à Dieu, je veux que ce soit par les routes où je chemine moi-même, les longues routes terrestres, pleines d'embûches et de tenta- tions. Il faut, pour me séduire, qu'il ait, ainsi que moi, le visage d'un homme et non pas celui d'un ange. Plus que la certitude paisible d'une Enfant de Marie m'émeut cette terreur mystérieuse qui saisit à la vue des espions de l'Eternel, au soir, sur la muraille de la ville, la prostituée Rahab.
Peut-être aussi la littérature de ce livre me semble-t-elle un peu passée. La régularité monotone de la forme, l'abus des personnages symboliques, tels que "la Désespérance" et " les Autrefois " s'accordent bien avec la pâleur austère du sujet : je crains pourtant qu'ils ne fassent classer trop vite M Ue Jeanne Termier, parmi les disciples oubliés de Rodenbach, Samain ou du premier Verhaeren.
Mais sans doute faut-il préférer une belle âme à un beau livre. Celle que nous découvrons ici a la pureté presque mon- strueuse d'un corps de pauvre femme qu'on lave et qu'on habille pour l'ensevelir. Elle est chaste et sans coquetterie, à la façon de ces grandes enfants infirmes qui sortent de l'hospice, pâles et déformées par l'immobilité. C'est en vain que, le premier jour, on cherche à leur faire joie, on les promène dans les faubourgs à travers le beau temps : leur pensée reste enfer- mée dans la grande salle nue où elles ont souffert; elles ne parlent que d'une compagne avec qui elles jouaient ; et si on leur demande : — " Où est-elle maintenant ? Voudriez- vous la revoir ? " Elles répondent : "Oh ! celle-là, elle est déjà morte. "
Je ne conseillerai pas à M Ue Jeanne Termier d'écrire d'autres livres. Je devine dans celui-ci l'indice d'une vocation plus belle que celle des lettres ou de la gloire: la vocation de la pitié, qui, chez une femme, peut s'appeler aussi la vocation maternelle. Je devine à cette âme le visage sévère et doux
�� �