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FERMINA MARQUEZ 637

tirades bêtes et puériles : " Léon, Empereur d'Occident ", et l'invocation aux mânes de Caton ! Il y avait là de quoi mourir de honte. Il aurait voulu renier ces phrases. Au moins, s'il les avait écrites, il aurait pu les effacer avec une gomme. Mais il n'y a pas de gomme, au monde, qui puisse effacer dans la mémoire des autres les paroles que nous leur avons dites. Il aurait dû, aussi, s'excuser d'avoir fait cette citation latine. Mais ce qui avait dû la scandaliser, c'est qu'il s'était moqué de ses propres con- citoyens et qu'il avait renié sa patrie.

— Ça doit lui sembler monstrueux, à cette pauvre fille ! Rien de plus conservateur que les femmes ; leurs idées sont toujours en retard d'une génération au moins ! "

Lorsque, du haut de son esprit, il avait raillé la sot- tise du républicain de province, comme le Bon-Sens, l'infâme Bon-Sens, outragé, avait frémi en elle ! Quoi, elle était de tous points pareille au " produit manufacturé " qu'il avait mis en colère. Alors, il regretta de ne l'avoir pas scandalisée davantage, de ne l'avoir pas poussée à bout. C'est un jeu : avec quelques paradoxes bien choisis, on fustige l'intellect des sots : d'abord ils se fâchent, et puis ils finissent par hurler comme des chiens. Oh, le joli petit jeu de société !

Les sots ? Mais qu'est-ce que les sots ? La distinction, si nette, qu'il établissait, correspondait-elle à la réalité ? C'était vraiment trop simple, de dire qu'il y a deux classes d'hommes : les imbéciles et les gens intelligents, et de se ranger, naturellement, au nombre de ces derniers ! Et pourtant les poètes classiques se font un mérite de mépriser le vulgaire. Ah ! il était fatigué de ces réflexions. La vérité, c'est qu'il y a des choses qu'il ne faut pas dire devant tout

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