632 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
— Alors que lui-même, dans son humilité, n'a voulu d'autre nom que celui de Serviteur des Serviteurs de Dieu. "
— Oui, vous me croyez impie, je le vois bien. Il vous semble que j'adore Dieu, non parce qu'il est Celui qui Est, mais parce qu'il est le Dieu de Rome. Mais le Dieu de Rome, le Dieu qui a pris la place de Jupiter Capitolin, pourrait-il n'être pas le vrai Dieu ? Si vous saviez comme, vue du Pincio, Rome semble près du Ciel!... Vous ne pouvez pas vous imaginer ce que
rouve, pendant la messe."
Joanny se tut, haletant. Ce n'étaient plus des confi- dences, maintenant ; c'était un appel passionné. Il ne doutait pas, dans l'ardeur de son enthousiasme, qu'il n'entraînerait l'opinion de celle qui l'écoutait.
— Lorsque je regarde l'autel, ce ne sont pas des cier- ges allumés, des draps et des fleurs d'or, c'est la Majesté Romaine que je vois. Le prêtre, les fidèles, tous sont assemblés là en qualité de Catholiques Romains ; autant dire, de Romains, n'est-ce pas ? La Ville est aux mains des infidèles ; les divinités de l'Empire sont tous les jours insultées ; et cependant ceux qui sont dans cette maison se glorifient d'être appelés Romains. O mânes de Caton, voici les derniers citoyens !... Là, dans cette Maison du Seigneur, j'entends parler encore la langue de ma vraie patrie : le latin. Car votre castillan, et notre français, et l'italien encore ne sont que des dialectes issus du latin parlé, " poursuivit Joanny, récitant malgré lui sa gram- maire ; " ce sont des langues vulgaires, d'anciens patois de paysans. Un temps viendra, vous dis-je, où de nouveau on enseignera le latin dans toutes les écoles de l'Empire,
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