Page:NRF 3.djvu/626

Cette page n’a pas encore été corrigée

6l6 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

l'abondance, dit l'homme libre, et déjà, j'étais rempli de bonté "* — Le moi trouve donc naturel- lement son complément dans le corps social. Le voilà qui s'humilie. Mais, dans cette humiliation, quelle douceur !

Or, selon Dom Pastourel, entre une telle con- ception et la pensée de Pascal, il y a bien des analogies. " Le membre séparé, dit Pascal (fr. 483) l n'a plus qu'un être périssant et mourant ". L'indi- vidu retranché de la communauté humaine languit et diminue. Il ne faut pas oublier que pour Pascal, comme pour Barrés, c'est le salut de l'âme indi- viduelle qui est la chose essentielle. C'est à l'indi- vidu que Pascal attache toute dignité. Il l'exalte bien au dessus de la nature (qui peut tuer l'homme, mais ncn sait rien) — et n'hésite pas à parier son immortalité. Mais la condition même du salut de l'âme individuelle, c'est qu'elle accepte d'être le membre d'un corps. Un membre, non pas une cellule. C'est que l'idée de membre implique, selon Dom Pastourel, " en même temps que la dépendance du moi, sa subsistance dans une forme individuelle. ". — Le moi se subordonne au corps: il n'en est pas simplement un élément ou une par- tie. C'est bien le corps qui lui " influe la vie ", (fragment 476) — mais il ne peut perdre son individualité. Et c'est ce que Pascal veut dire, dans

1 Un homme libre. 2 me éd., p. 15.

1 Nous citons toujours la petite édition Brunschvicg.

�� �