Page:NRF 3.djvu/559

Cette page n’a pas encore été corrigée

JEAN MORÉAS 549

petit livre a fait passer son auteur d'une gloire de cénacle à la plus large notoriété que des poèmes, d'une grâce stoïcienne puissent trouver auprès du public. Il 7 a des chances pour qu'il ne vieillisse pas.

Moréas était grec. C'est la seconde fois que par une coquetterie du hasard, notre littérature s'enrichit du sang le plus illustre. Méfions-nous pourtant des considérations ethniques. Le génie grec dont nous nous réclamons c'est celui dont fit preuve une petite province de l'Hellade, et cela pendant deux ou trois siècles seulement. Nous n'invoquons ni Thèbes ni Sparte. Il y a grand' chance pour qu'aujourd'hui l'hérédité attique soit pareille à ce trésor qu'un laboureur mourant pré- tendit enfoui dans la terre de son champ. A force de fouiller pour chercher ces illusoires richesses, ses enfants en créèrent de réelles. Moréas, comme Chénier, avait une forte culture grecque et du fait seul que la langue antique n'était pas pour lui scolaire mais maternelle, elle pouvait lui livrer plus qu'elle n'accorde à d'autres. Le dialogue de Ylphigénie a cette noblesse familière et naïve des stèles de la plus sobre époque. A la scène, le public doit se dire : " Heureusement ce ne sont pas des vers," et n'est-ce pas le plus aimable éloge qu'il puisse accorder à la discrétion du poète tragique ? Celui-ci d'ailleurs prend sa revanche en

�� �