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��548 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

dresse particulière. Jamais le genre ne fut porté à plus de perfection ; les limites en sont même excédées, car à tout moment la beauté lyrique l'emporte et vient nous requérir directement, en ne violentant pas, mais, ce qui est mieux, en nous faisant oublier l'étroite convention poétique. Enone au clair visage est avec Eriphyle un chef-d'œuvre de cette émotion intellectuelle et de cette suave ivresse qu'en ses plus tendres moments nous fait goûter Ronsard. Admirable équilibre entre ce que nos exigences ont de plus réfléchi et ce qu'elles gardent de plus spontané !

L'expérience était faite ; l'entraînement avait donné tout ce qu'on pouvait en attendre. Moréas n'avait plus qu'à s'abandonner à sa veine assagie, non refroidie. Il pouvait sans risquer la mollesse dérouler sa phrase en belles volutes et en régu- lières cadences ; il pouvait se laisser aller à sa mélancolie naturelle, sûr que son goût le main- tiendrait dans les limites d'une fière réserve. Moréas n'a pas inventé la stance, soit, mais il ne faudrait pas à tout propos crier si fort le nom de Malherbe. Ce dernier fut peut-être plus grand par l'intégrité poétique que par l'inspiration et il n'a, lui non plus, inventé cette strophe qui appartient à toutes les époques de notre littérature. Il semble bien qu'à tout prendre, les Stances de Moréas, si hautes, si dépouillées, témoignent du plus de générosité et du plus d'émotion. Cet admirable

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