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JEAN MORÉAS 547

jeunes, vivantes, encore propres à combler certains désirs de notre lyrisme que nos moyens d'expres- sion ne satisfont pas. Et de là naît le Pèlerin passionné, ce singulier ouvrage où tantôt c'est un frère de Villon qui parle, tantôt un compagnon de la Pléiade. On a lourdement reproché ce pro- téisme à Moréas. " Puisqu'il ne sait pas se trouver lui-même, qu'il imite, disait-on, mais que ce ne soit pas n'importe qui ! " Comme si un Degas s'était fait imitateur de Poussin ou un Cézanne de Watteau, parce qu'on possède d'eux des copies de ces maîtres ! Peut-être que par mille mauvaises raisons, Moréas a tenté de motiver, aux yeux de ses amis, les admirables études où le poussait son instinct. Peut-être même avait-il besoin, pour soutenir son effort, de se l'imaginer chargé de vastes conséquences. Il ne se serait d'ailleurs qu'à demi leurré, car apprendre soi-même à écrire de façon parfaite, n'est-ce pas le plus sûrement

T)e gentil son et haut style Hausser le nombre français ?

Ceux qui savent goûter un raffiné mélange de grâce toute fraîche et de culture livresque, qui trouvent du plaisir à une rime d'adjectifs savamment gauche ou à une série d'hiatus — pur seizième — qui, dans un vers fluide, viennent brusquement " gripper ", tous les amateurs du bibelot littéraire font bien de vouer au Pèlerin passionné une ten-

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