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��54-6 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

air de chanson. On voit que l'auteur se plaît à ces rappels prévus, à ces rythmes un peu ronronnants. C'est là l'élément sincère de ces recueils. Nous y surprenons ce que fut entre vingt-cinq et trente ans la véritable pente de Jean Moréas, ce qu'était son don poétique et avec quel ingénu plaisir il s' abandonnait.

Autant en emporte le vent marque la première réaction du poète contre lui-même. On imagine que Moréas ait senti le danger d'une muse non point bavarde, ni négligée, ni courtisane en quoi que ce fût, mais simplement trop bien sonnante, trop satisfaite de ses harmonieux " fredons ". Et le voilà qui se livre sur lui-même à un ardu travail, comme on rompt à coups de bêche une terre trop compacte. Plus de strophes carrées ; des rythmes légers, brisés, qui n'ont même pas tou- jours, pour s'y reposer, l'arrêt de la rime ; ame- nuisement de la syntaxe, délicate recherche des mots, juxtapositions imprévues. On dirait qu'une certaine imitation de Mallarmé intervienne en façon d'exercice d'assouplissement, et si les poèmes sont parfois difficiles, ils sont souvent déliés et charmants.

Mais nous ne sommes encore qu'à une phase transitoire. Les ressources de notre poésie con- temporaine ont ébloui Moréas. Il se les est appro- priées. Mais ne s'avise-t-il pas que cinq siècles de littérature ont accumulé des richesses encore

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