53 2 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISI
des images toutes dépouillées et subtilisées, tout abstraite bien qu'y tressaille encore parfois quelque lambeau de la sen- sation primitive. — Il est des peintres qui transposent d'un seul coup, sans l'analyser, leur sensation et qui en cherchent tout de suite dans un jet coloré l'équivalent plastique ; il est d'autres qui travaillent en plein isolement des chose n'imitant sur la toile que les fantômes de leur pensée. Matiss se distingue des uns et des autres : il puise dans la réalité matière de spéculations picturales. De cette sorte d'abstrae tion découlent, joints dans une même conséquence, les qualité et les défauts de sa peinture.
La couleur de Matisse brille d'une splendeur intellectuel Elle a l'éclat muet de ces éblouissements, qui naissent souc dans l'esprit. Elle n'est pas dense comme les choses, elle ne pèse pas; mais elle recouvre la toile de sa minceur mate, elle répand en une fine couche sa nette et violente richesse. — Elle est immobile comme la pensée dont elle imite le fixe éclair ; elle ne palpite pas parce que rien n'est pris sous elle, qui respire; elle est un extrait étincelant et inerte. — Le meilleur témoignage de son origine artificielle, c'est sa rareté sans faiblesse; elle ne cesse jamais d'être incomparable, et Matisse préfère laisser des blancs plutôt que de les combler sans trou- vailles. — Ainsi se déroule sur les murs, toujours parfaite et inanimée, cette couleur qui ne souffre pas de se laisser troubler par la terne effusion du réel. — Les Natures mortes sont les meilleurs de ces tableaux : en effet le sujet déjà en est abstrait : les objets sont choisis et groupés selon leur importance pictu- rale; et par cette adaptation préalable du modèle à sa future image, l'arbitraire est atténué. De plus, dans les Natures mortes, Matisse, l'ayant préparée à son gré, s'abandonne à sa sensation avec plus de confiance ; il se laisse aller à la trans- crire plus textuellement, il est gagné par la volupté que recèlent les choses ; sa couleur se fait plus sourde, plus lourde, plus gorgée de matière.
Cependant il n'est sensuel que par accident, presque malgré lui. Quand il dessine, il redevient tout abstrait. Son dessin ne s'attache pas aux objets ; il ne les déforme pas non plus pour
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