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48 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

de mon père. Il fit un geste et heurta la bouteille, avec un gémissement.

Le prêtre arriva vers trois heures. Je le vis dans le jardin, trottant noir sous la lune, parmi les espaliers. Puis sa tête rasée parut au haut de l'escalier. Il entra à pas muets, alla s'agenouiller dans un coin de la chambre, et commença les prières, éclairant son petit livre à la bougie posée devant lui, sur un coffre à bois en velours rouge.

La chambre aux murs jaunis, les lithographies de l'Empereur, les coquillages roses sur la che- minée, la descente de lit qui représente un chien de Terre-Neuve, le lit... Près de ce lit, ma mère agenouillée, répondant de toute son âme aux litanies du prêtre : Ayez pitié de nous ! Ayez pitié de nous !...

L'aube vint. Elle éclaira nos visages, plus ravagés par la douleur que n'était altéré par la mort celui de l'agonisant. Elle éclaira les draps fripés, deux mains osseuses, un grand nez blême, la barbe souillée par un vomissement... Toi, mon père ! toi, face ternie, forme défaite, avec quel avide amour, avec quelle hideuse impatience, j'épiai les dernières pulsations de ta vie ! Tu pâlis- sais, tu pâlissais. Ton agonie à l'aurore fut douce. L'air était frais, la lumière blanche. Des oiseaux chantaient. Je tenais tes mains dans les miennes et la sueur collante de la mort ruisselait continuel- lement sur ma peau tiède... Si tu pouvais me

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