FERMINA MARQUEZ 505
Quand il n'y eut plus que Joanny autour d'elles, elle apporta, chaque jour, une sorte de cuisine de voyage. C'était une petite malle en cuir fin, doublée de métal argenté ; il y avait un réchaud, une théière d'argent, une chocolatière, des tasses d'argent avec leurs soucoupes, des cuillères, des bassins en porcelaine pour les sandwiche* et le beurre, des boîtes pour le sucre, pour le chocolat, pour le thé, des serviettes brodées, une grande bouteille plate pour le lait. Il y avait un si grand nombre d'objets qu'on eût dit la boîte d'un prestidigitateur. On étalait tout cela sur un banc, et Pilar, avec Marna Doloré et le jeune Marquez, aidés du valet de pied, préparaient le goûter, pendant que Joanny et la chica restaient sur la terrasse. Ils ne venaient que lorsqu'on les appelait, mangeaient vivement ce qu'on leur avait préparé, et retournaient à leur isolement.
Son langage à elle, avait toujours une certaine retenue, une réserve, comme si une grande pensée eût été derrière tout ce qu'elle disait, comme si elle eût rapporté toute sa vie à cette grande pensée. Joanny lui dit :
— Vous me faites songer à " l'Espagnole anglaise " de Cervantes ; vous savez, il dit qu'elle était remarquable " por su hermosura y por su recato. "
Il balbutia ces paroles, plutôt qu'il ne les dit. C'était le premier compliment qu'il lui faisait ; puis, il craignait qu'elle ne se moquât de la façon dont il prononçait l'espagnol ; enfin n'y avait-il pas quelque chose de pédant, d'irréparablement collégien dans cette ostentation des lectures qu'il avait faites ?
Ce qui plus encore étonna Joanny fut l'insistance qu'elle mettait à parler d'humilité et à dénoncer
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