l'amateur de m. remy de gourmont 431
Delarue, Desmaisons, ce sont âmes sans paysages. Leur horizon s'arrête aux boîtes des bouquinistes du quai. Parfois je doute si peut-être ils n'auraient pris jamais possession de la vie que par les livres, connaissance des pays que par les cartes, et des sentiments, des passions, de tout ce qui fait battre le coeur plus fort ou plus vite, connaissance aucune — tant ils tranchent sur tout aisément. Ici la pensée n'est jamais chose palpitante et souffrante. Nietzsche, lorsqu'il ampute, s'ensanglante toujours les doigts ; on dirait que Gourmont n'opère que sur planches anatomiques ; c'est pourquoi " non dolet, Paete ". Il n'est pas tant cruel qu'abstrait.
Mais ma métaphore m'égare: la pensée, dans les écrits de M. de Gourmont ne se propose pas en objet ; c'est un instrument assoupli qu'il incline et dirige selon ses fins. — Je n'ose dire : selon son gré ; car il semble parfois que le contrôle exact et la libre disposition de cette pensée lui échappe. Sans doute M. de Gourmont estime-t-il qu'elle lui est docilement soumise ; c'est qu'il est soumis avec elle à deux passions que je vais dire.
Dès que plus rien en lui ne se rebiffe, l'être le plus mené peut se croire "libre-penseur ".
��Deux passions, deux haines : celle du christia- nisme, celle de la pudeur. Si celle-ci n'était venue
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