406 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
Jeannette. Hélas !
Hauviette. Mais toi ça te laisse toujours sur ta faim, de faire ta prière. Et tu es toujours aussi malheureuse qu'avant. Après qu'avant...
... On s'imagine ici, dans la paroisse, que tu es heureuse de ta vie parce que tu fais la charité, parce que tu soignes les malades et que tu consoles ceux qui sont affligés ; et que tu es toujours là avec ceux qui ont de la peine. Mais moi, moi Hauviette, je sais que tu es malheureuse.
Jeannette.
— Tu le sais parce que tu es mon amie, Hauviette.
Hauviette.
— Je ne suis pas amie seulement, je suis une fille qui voit clair., De faire du bien aux autres, nous autres ça nous ferait du bien, si seulement on en faisait. Mais toi rien ne te fait du bien. Tout te fait du mal. Tout te laisse sur ta faim. Tu te consumes, tu te consumes, tu es consumée de tristesse, tu es perdue de tristesse, tu as, pauvre grande, tu as une fièvre, une fièvre de tristesse, et tu ne guéris point, tu ne te guéris jamais. Tu as une grande fièvre. Tu es pétrie de tristesse. Ton âme est pétrie de tristesse...
O pathétique insistance ! Ecoutons Madame Gervaise, qu'appelle auprès d'elle la grande détresse de Jeanne, expliquer à l'enfant que l'inutilité de la souffrance est le propre de la souffrance d'enfer :
" ... Il y a, ailleurs il y a une souffrance qui est perdue ; qui est toute perdue ; qui est toujours perdue ; quand même on ne voudrait pas ; quoi qu'on veuille ; quoi qu'ils veuillent ; quoi qu'ils veuillent éternellement.
Quoi qu'ils fassent. Eternellement quoi qu'ils fassent.
C'est ça l'enfer. Autrement il n'y aurait pas d'enfer. Ça serait la même chose que nous ; ça serait la même chose partout.
Dans toute la création.
Si leur souffrance pouvait servir, mon enfant, ma pauvre enfant, ils seraient comme nous ; ils seraient nous ; il n'y aurait pas, il n'y
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