Page:NRF 3.djvu/404

Cette page n’a pas encore été corrigée

394 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

comprendrait jamais que la chose qu'il voulait, et pour laquelle il travaillait tant, c'était, uniquement, cette com- motion cérébrale, ce spasme répondant à l'appel de la gloire : " Premier : Léniot (Joanny) ". — Ces pauvres petits succès d'écolier bien noté étaient, pour son imagina- tion d'adolescent, des triomphes d'imperator romain.

Mais les grandes personnes ne se doutent pas, — la vie les a tellement assourdies, tellement émoussées, — que ces lauriers pourraient bien ne jamais se faner au front de ce bon élève. A Saint-Augustin, on ne donnait pas de cou- ronnes, aux distributions des prix; mais les livres portaient, gravé sur le plat de la couverture, un écusson d'or aux initiales de l'institution : S. A., qui signifiaient aussi, d'après le vieux calembour transmis de génération en génération depuis les origines du collège : Sale Auberge. Cet écusson était large, à peu près, comme une pièce de cent francs. Longtemps, Joanny avait regardé ce cercle d'or avec révérence. C'était comme le reflet permanent du fameux " premier rayon de la gloire " dont parlent quelques bons auteurs ; et, quoique ce respect ne fût déjà plus pour lui qu'un souvenir d'enfance, son enfance se réveillait, avec tout son goût amer, avec toute sa tristesse et tout son sérieux, à la seule vue de ses livres de prix des années précédentes. Oui, toute sa vie il aurait des prix ; toute sa vie, il sentirait la chaleur de ce cercle d'or posé sur lui. Toute sa vie serait pleine de cette gravité studieuse, de cette silencieuse application, incessante, à exceller en toutes choses. Toute sa vie aurait pour lui cette précieuse amertume, la saveur même du laurier ! Et il pouvait y avoir, dehors, loin des salles d'étude et des couloirs obscurs, tout le grand air, et tout l'été, avec ces souffles

�� �� �