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39° LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

n'était pas agréable ; il était taciturne et ne regardait jamais les gens en face. Du reste, il vivait assez isolé. On le soupçonnait même d'employer les récréations à repas- ser mentalement ses leçons, tout en faisant semblant de dormir, étendu sur un banc. Caractère assez terne, dont personne n'aurait su dire rien de précis. Il était là, assis à sa place, ou debout à son rang, c'était tout. Mais, le jour de la distribution des prix, à l'appel de sa classe, on n'en- tendait plus que son nom, on ne voyait plus que lui sur l'estrade ; et comme, après tout, il faisait honneur au collège, tous les élèves l'applaudissaient à se faire mal aux mains. Mais personne ne l'aimait.

Il était entré à Saint- Augustin à neuf ans, sachant à peine lire. Il s'était d'abord senti tellement seul, — au milieu de ces condisciples qui parlaient une langue incon- nue de lui, — tellement semblable à un prisonnier, telle- ment abandonné, qu'il s'était mis, pour ne plus sentir la misère de son existence, à travailler avec acharnement. Il se mit à étudier comme un homme se serait mis à boire : pour oublier. Il était un de ces caractères aux- quels l'internat imprime une tare ineffaçable ; il le sentait, et luttait de son mieux contre ces influences.

Ses progrès étonnèrent tout le monde. Au bout d'un an on le fit passer de la huitième classe dans la sixième et, dans cette nouvelle classe, pour la première composition de l'année, il fut premier. Dès lors, il s'entêta, résolu à garder toujours le premier rang. On l'avait exclu des jeux de plein air ; sa maladresse était une certitude de défaite pour son camp ; les capitaines d'équipe eux-mêmes demandèrent qu'il fût dispensé de prendre part aux jeux. Il en fut content. Désormais, tout lui devint indifférent,

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