FERMINA MARQUEZ 38 I
tête barbouillée d'encre et de chocolat. En classe encore, ils dormaient : Demoisel qui était un cancre, et qui, pour cette raison, était assis au dernier banc, faisait, sans se gêner, un bon somme, la tête appuyée au mur, les jambes allongées. Santos au contraire, qui était le premier de sa classe, dormait accoudé à la table, le buste droit. Il disait à son voisin, avant de s'endormir :
— Si l'on m'interroge, touche-moi le bras.
Le soir seulement, au réfectoire, ils semblaient s'éveil- ler. Et alors, ils se lançaient des regards d'intelligence, sérieusement, comme pour se demander si vraiment cela allait mieux. Nous qui devinions la cause de leur fatigue, nous les admirions sans rien dire. Ce sommeil qu'ils éta- laient devant nous toute une journée, ces mystérieuses façons de complices, cet air, enfin, d'hommes qui ont fait la fête toute une nuit, piquaient notre curiosité, et nous faisaient désirer des plaisirs que nous ne connaissions pas encore. Ils se rendaient compte du prestige que ces expéditions leur donnaient à nos yeux, et je me demande, aujourd'hui, s'ils n'avaient pas, à nous montrer leur mau- vaise mine de noctambules, autant de plaisir qu'à l'acqué- rir, cette mauvaise mine, dans les cafés et les restaurants de Montmartre, en s'amusant. Car c'était à Montmartre qu'ils accomplissaient leurs exploits ; de cela nous avions eu les preuves : en classe de philosophie, des notes de soupers aux en-têtes de célèbres restaurants de la Butte, avaient circulé de main en main, — des additions au bas desquelles, parfois, le total des francs s'exprimait par trois chiffres !
On ne sut jamais comment ils sortaient du Parc, ni comment ils faisaient pour rentrer au dortoir en pleine
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