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37^ LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

pays ; ou bien elle nous faisait part de ses premières im- pressions de Paris, des mille étonnements qu'elle avait chaque jour. Elle avait loué un grand appartement, avenue de Wagram ; mais elle n'y rentrait que pour se coucher, parce que les magasins, (tant de magasins!) étaient une tentation trop forte ; elle et les " petites " prenaient leurs repas dans les restaurants du centre, pour être plus près des "occasions"; et, encore, il fallait être tous les jours à une heure à Saint-Augustin; et alors... " et alors, les six domestiques, dans l'appartement de l'avenue de Wagram devaient avoir du bon temps ! " Elle était singulière, trop bien habillée, trop parfumée, et mal élevée, et charmante ; elle fumait nos cigarettes et, quand elle s'adressait à l'un d'entre nous, elle l'appelait " qué- ridi ", avec le ton d'une amoureuse. Santos se disait : " Ah ! quand la nièce m'appellera quéridi ! "

Le parc s'ouvrait autour de nous, avec de nobles allées, larges et hautes entre les frondaisons épaisses, bien taillées, semblables à des murs et à des terrasses de ver- dure, — avec des taillis, où, dans une ombre verte et noire, émouvante, montaient les fûts des chênes engaînés de lierre et de mousse. Il y avait dans ce parc de Saint-Augustin, des avenues dignes de Versailles et de Marly. On y voyait, çà et là, d'énormes arbres troués par les boulets de la dernière guerre, mais qui avaient survécu, leurs grandes plaies bouchées avec du plâtre goudronné. Et il y avait surtout la terrasse avec son im- mense escalier central, et sa statue de Saint Augustin toute dorée dominant toute la vallée. C'est la vallée de la Seine, le Pays royal, où les routes et les forêts semblent continuer les beaux parcs, — où des oiseaux chantent

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