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376 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

chose (Telle ; on dit ce mot à voix haute, et si elle est là, vous avez fait retourner cette belle jeune fille. Oui, un prénom à écrire sur nos cahiers, en marge des brouillons de thèmes grecs, pour l'y retrouver après des années, et prononcer, en le retrouvant, gravement, avec une émotion profonde, de stupides paroles de romance. . .

Santos dit à Demoisel : " C'est assez de brutalités comme cela ; lâche-le donc, va. Lâche-le donc ". Le nègre obéit à contre-cœur. Là-dessus, le petit Marquez se mettant à parler de bon gré, nous apprîmes que la grosse dame qui accompagnait Pilar et Fermina, était, non leur mère — leur mère était morte — mais leur tante, une sœur du père Marquez. Le père Marquez était un des grands banquiers de la Colombie. N'ayant pu accompagner ses enfants en Europe, il les avait con- fiés à cette sœur qu'on appelait familièrement : Marna Doloré. C'était une créole de quarante ans environ, qui avait été belle, et qui avait encore, dans un visage aux traits empâtés, de grands yeux humides, aux regards trop ardents, pathétiques. Les trois enfants et leur tante reste- raient en France pendant quatre ans, puis iraient passer deux années à Madrid au bout desquelles ils rentreraient tous à Bogota. Mais il y eut quelque chose qui nous plut, surtout : Marna Doloré et ses deux nièces viendraient passer toutes les après-midi à Saint- Augustin, jusqu'à ce que Marquez fût habitué à la vie de collège et n'eût plus besoin, pour lutter contre le désespoir, de sentir sa famille tout près de lui.

Ainsi, nous allions voir, tous les jours, pendant les deux longues récréations de l'après-midi, Fermina Marquez passer dans les allées du parc. Nous n'avions jamais eu

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